mai 23, 2011

Everybody has a DJ


"C'est quoi ton dream job ?" m'a-t-on demandé récemment et sérieusement.

(Sauf que moi j'ai pouffé, j'ai cru que c'était une joke, le coup du dream job, parce que bon, ça fait quelque jours que je sais qu'il y a un homme dans Casimir (sauf que peut-être, c'est une femme), donc moi quand on me demande "C'est quoi ton dream job ?", c'est un peu comme si on me demandait ce que je voudrai faire quand je serai grande. Dans trois ans. Deux ans et demi et un mois et dix jours, pour être exacte.)

Comme je ne peux pas souffler bruyamment pour signifier au drôle que sa question me désempare, je souris et je répète d'un air profond "mon dream job..." en levant les yeux au ciel et en plissant les paupières, pour voir si le plafond m'offrirait une révélation - on ne se tourne jamais assez vers les plafonds -, en espérant que ça me donne l'air rêveur de la fille qui a tellement de dream job qu'elle ne sait plus lequel choisir tant elle déborde d'envies et d'imagination.

C'est embarrassant ce genre de question. ça m'a rappelé ce dîner où l'ami de mon mari m'a demandé "Et alors ? Tu es heureuse dans la vie ?".
Je lui demande, moi, s'il a trouvé le sens de la sienne ? Peut-on se contenter de parler du contenu de nos assiettes, comme tout bon français à table, plutôt que d'aborder les questions existentielles dès l'apéro (qui, soit dit en passant, devait plutôt lui tenir lieu de digeo).

En plus, c'est pas comme si je venais demander du boulot, hein, le gars me demande cash "C'est quoi ton dream job ," un peu comme si son job à lui, dans la vie, c'était père Noël (alors que bon, si ça se trouve, c'est une femme, lui aussi) (le père Noël, je veux dire).



Vous me voyez expliquer à cet homme, employeur potentiel, que le job de mes rêves c'est de rêver et de raconter des histoires ?!
Que là je suis tellement fatiguée, que le job de mes rêves, c'est gardien de phare ?!
Que dans la vraie vie, moi, je suis une sirène ?!
(On a le droit de rêver ou pas alors ? Non, faudrait se décider, à un moment, quand même).

J'aurais dû lui répondre. J'aurais pu lui dire la presque vérité, un dream job que j'ai presque envie de faire, comme os à ronger, quoi.
Dessinateur judiciaire. Croquer les personnes en salle d'audience, en deux coups de crayon, en trois coups de pinceaux. En plus je suis certaine que ça pourrait m'être utile pour mon dream job.

Parce que oui, j'en ai un, de dream job, mais comme son nom l'indique, c'est un dream.
C'est aussi un job. Mais c'est plus un dream pour le commun des mortels et un job pour quelques élus. Et personne ne peut me l'offrir comme ça sur un plateau. Et je n'ai aucune envie de passer pour la fille qui rêve puisque, comme je disais donc, je suis redescendue du village dans les nuages il y a quelques mois, je suis donc parfaitement consciente du fait que ça n'arrivera pas. Même pas sur un malentendu.
Et non, mon dream job n'est pas d'habiter dans Casimir pour passer mes journées à bâfrer et à pioncer. Quoique.
Non, définitivement, moi, mon dream job, c'est sirène.


mai 10, 2011

Daphnis é Chloé par Gallotta


La semaine dernière (ou elle d'avant peut-être), je suis allée voir Gallotta et son Daphnis é Chloé, reprise d'un de ses spectacles dans lequel il dansait il y a quelques années (dans le rôle de Pan, pas dans celui de Daphnis, ndlr).

Il faut voir l'énergie de la danseuse, le charme et l'intimité de ces trois danseurs, c'était un bonheur, la musique non moins plaisante. Voilà un spectacle qui clôture en beauté mon abonnement au Théâtre de la Ville.

En revanche je suis moins fan de l'intro "Faut qu'je danse" par le sieur Gallotta lui-même. Quelques souvenirs, un récit, au sujet de cette pièce Daphnis é Chloé, le tout qui fleure bon la nostalgie, mais était un peu trop éthéré à mon goût.

C'était sublime, envoûtant, plaisant, et de savoir que Lionel Jospin était dans la salle et regardait le même spectacle que moi, ben ça m'a fait un petit quelque chose.

D'ailleurs, en entrant, j'ai fait semblant de ne pas le voir. Lui avait le regard scotché sur le pantalon improbable de ma copine (motif chinois version futal, un improbable grande classe que je lui aurais déjà piqué si elle ne faisait pas un mètre de plus que moi).

Pour en revenir à Gallotta et à Daphnis é Chloé, mention spécial à une chorégraphie moderne qui se tient, à une musique composée au piano à mesure que Gallotta élaborait la chorégraphie, à la danseuse qui cassait tout tellement elle avait la pêche (même si certaines la trouvaient bof à cause de sa jupe moche : à quoi tient l'art ?), à une histoire qui nous a laissés divisés à la sortie "Mais quoi, j'ai pas bien compris ce qu'ils faisaient les garçons à un moment" "Ben... ils flirtaient" "ah ben j'ai pas du tout aimé ! Je ne suis pas très bi, il faut dire."

Vous l'aurez compris, nous avons vécu là un moment tout en sensualité et en charme. Dommage cependant, c'était la dernière.

Ici une présentation du spectacle, des extraits :

Le retour de

Découvrez Le retour de "Daphnis é Chloé" de Jean-Claude Gallotta à Grenoble sur Culturebox !


Et sinon, le retour du soleil et des brunchs, j'avoue, est parfaitement résumé en version parisienne par l'amie Violette, vous ne trouvez pas ?

mai 05, 2011

Maison-Blanche et mal du travail

Aujourd'hui je suis fière de Barack, qui a décidé de ne pas publier les photos d'Oussama. Moi qui pensais qu'elles sortiraient parce que des saletés, on en voit tous les jours, eh bien je suis ravie d'être détrompée. Elles ne sortiront donc pas, pour ne pas inciter à la violence et éviter qu'elles deviennent outils de propagande. La Maison-Blanche a d'autres preuves, je m'en félicite.

Mais aujourd'hui, je me demande vraiment quand est-ce que le délire du monde du travail va prendre fin. Encore un suicide sur lieu de travail annoncé, et une préoccupation grandissante : le travail ne devrait pas tuer. Au XIXe on se tuait à la tâche, on mourrait dans les mines, au XXIe on se tue à la tâche mais l'épuisement est moral, plus physique. Et il est évitable. Il
est surtout le symptôme d'une société qui va mal, d'un monde qui court trop vite pour l'homme, qui refuse de l'admettre. Comment fait-on pour ralentir le monde ?

Je milite pour le slow life, tout en ne parvenant pas moi-même à l'appliquer. Je sens une paire de bras me pousser dans le dos (ça pique), et dans ma tête, je rêve de ça :




Hé oui, sorry, le fantasme du hamac is back ! AHAHAHAHAH !!!!!!!!!

(Oui, c'est le grand écart, dans ce billet, mais la vie, c'est ça aussi.)

mai 04, 2011

Geronimo ?


Aujourd'hui, je suis soulagée de voir que je ne suis pas la seule à avoir franchement tiqué sur le nom de code donné à Ben Laden pour l'opé commando.

"Géronimo"

Géronimo, l'apache qui a combattu les américains qui voulaient lui prendre ses terres. Celui qui a vu ses deux familles assassinées par les Mexicains. Géronimo, quoi.
Alors certes, ils ont lancé des milliers d'hommes à ses trousses avant d'obtenir sa réddition, en cela il est comparable à Ben Laden. Pour le reste, je suis sceptique.

C'est bizarre comme parfois je me sens loin des américains.
Lorsque j'ai entendu lundi matin que Time Square était envahi par la liesse, j'ai immédiatement pensé que j'aurais détesté être là-bas à ce moment-là. Je n'arrive pas à comprendre que l'on puisse se réjouir de la mort d'un homme.
Si je comprends, le soulagement, le besoin de revanche me dépasse.


mai 03, 2011

Du rêve

Dites donc, on aurait dit que j'étais tombée dans un trou ces derniers jours, et qu'en fait, chez moi, c'est presque comme s'il faisait nuit tellement j'ai l'impression de ne pas mettre le nez dehors.

Impression, impression, pas seulement, la vérité c'est que je vis les affres des produits d'édition dans leur dernière ligne droite, celle dont il semble qu'on a beau courir, on n'atteindra jamais la petite lumière au bout du tunnel.

Bon, voilà, je suis crevée, je n'aurai pas de vacances avant juin, ça me fait suer mais c'est comme ça. (Vous avez vu comme je prends sur moi ?) Parlons plutôt que ce que j'ai fait ces derniers temps de mes loisirs, car il m'en reste, la vie n'est donc pas totalement unfair (ceci est un clin d'œil pour H.).



L'expo "Odilon Redon, prince du rêve", au Grand Palais.

Odilon et moi, c'est une histoire d'amour sans nuages depuis que je l'ai découvert sur les couvertures des bouquins de Huysmans, Lautréamont et Bauchau à la fac (un de ces trois auteurs n'était pas au programme, je vous laisse deviner, too bad). Évidemment, Odilon n'est pas si connu, et c'est là une bien grande perte, mais si j'en juge par la couverture médiatique de l'expo, ce tort devrait être rapidement réparé.

L'expo au grand Palais est une bénédiction, qui tombe, c'est amusant, l'année de nos dix ans de mariage, alors même que nous avions choisi un mélange de ses toiles pour notre faire-part. La vie fait de ces clins d'œil... Et hop, transition (subtile) sur la première des trois périodes de l'artiste, précurseur des surréaliste, ses litho et fusains peuplés de créatures fantastiques, d'yeux ballons et d'araignées souriantes.

Une première période marquée par l'enfance solitaire du peintre, qui fut malade et isolé et en conçut un imaginaire tout personnel. (A se demander si enfermer ses enfants dans le placard sous l'évier ne serait pas plus profitable à leur sens artistique que de les laisser mariner devant la télé, j'y réfléchis et je vous dit).
Ce ne sont pas là les œuvres les plus faciles d'accès d'Odilon Redon, j'en conviens, mais dites-vous bien que l'araignée qui sourit, vue en vrai, est sympath
ique.




L'oeil-ballon, 1878.




L'araignée qui sourit
(1881).



Autre période, par laquelle arriva le succès, les bouquets. Je vous laisse imaginer les couleurs, les tableaux en vrai dépassent largement ces repro, ce ne sont que couleurs éclatantes et finesse du traits. Les coquelicots sont si troublants que la nature ne s'en est pas encore remise.



Coquelicots et marguerites dans un vase bleu - Pastel sur papier


Et voilà, vous voyez les couleurs ? Les pastels. L'huile.
Odilon Redon est méconnu parce qu'il refusa, à maintes occasions, de voir ses toiles accrochées. Voilà, il l'a bien cherché. Mais malgré cela, je vous signale qu'il a tout de même rencontré un certain succès, au point de réaliser le décore de la bibliothèque de l'abbaye de Fontfroide (abbaye qui sera ouverte exceptionnellement pour la durée de l'expo dans la région). Et de réaliser des motifs floraux pour des fauteuils et tapis. Quand même. La mise en scène de l'exposition est magnifique, les marie-Louise récupérées de l'expo Monet mettent particulièrement bien en valeur les albums de Redon, et les toiles aux profils colorés et, de façon assez surprenante, souvent au second plan, sont fascinantes. Tout simplement.
Je cite Tolstoï, parce qu'il donne une idée parlante de l'incompréhension de ses contemporains "L'un d'eux, qui avait un nom dans le genre de Redon, avait peint, de profil, un visage tout bleu." On a envie de lui dire "Et alors ? Laisse-toi porter, Léon", mais il faut croire qu'à l'époque, ça ne marchait pas comme ça.




Odilon Redon, La Cellule d’Or, 1892 ou 1893
© The British Museum, Londres, Dist Rmn

Je me demande si, en tant que contemporaine, j'aurais autant aimé ?
Les couleurs sont tellement profondes, mêlant or et bleu, rouge vif, les traits des personnes représentées m'émeuvent.



Femme voilée -vers 1896-1900) - pastels et craie sur papier bleu.

Une de mes toiles préférées, mais qui ne figure pas dans la rétrospective.




Sita (1893)
- pastels sur fusain.



Bref, je vais vous dire, après 1h30 de voyage à travers son œuvre, je suis arrivée le cœur battant devant la dernière toile, inachevée, que son fils trouva en rentrant de permission en 1916, deux jours après la mort de son père, âgé de 70 ans, j'étais émue comme tout.




Vierge (1916)
- Huile sur toile.

L'expo est visible jusqu'au 20 juin. Courrez-y vite.