février 12, 2009

La bête

L'écriture. Aussi vitale que douloureuse. 
Je n'ai pas confiance en moi, en ce que je suis capable d'écrire. 
Mais j'ai besoin d'écrire. 
Et ce combat intérieur, je le livre tous les jours, je me cou
che en ayant envie d'écrire, je me lève dans le même état, et tout le jour je porte ce désir en moi, bien au chaud dans mon sein. 
Il se fait plus ou moins vivace selon les jours, mais il est là, brûlant, doux ou vibrant, et je le caresse ou le fait taire selon que j'ai ou non le temps/l'envie/l'idée/l'énergie d'écrire. 
Et la confiance qui me fait défaut cède régulièrement la place au rouleau compresseur de l'auto-débinage, dont je suis experte. 
La lutte est constante.
Ci-dessous, une métaphore qui repousse les points, exercice expérimenté en atelier ce lundi.



Tapie dans l'ombre d'un recoin, la bête est là, vive, aux aguets, prête à bondir au moindre sursaut, elle a rassemblée ses forces pour attaquer et n'attend plus que le moment de surgir, les muscles bandés et la détente sûre, toutes griffes sorties et toutes dents dehors, l'écume fumante aux lèvres elle guette l'indice de ma faiblesse, la faille qui lui permettra de s'engouffrer pour me déchirer et m'ôter le souffle, le doux souffle chaud qui m'anime et me donne ce petit goût de vie, cette trace de sel sur mes lèvres qui fait battre mon coeur un peu plus vite, un peu plus fort, et m'aide à traverser les vents quotidiens debout, petite flamme vacillante qui pourrait en un souffle se dissiper en un filet de fumée, en laissant une odeur de consumé, et le souvenir d'une lueur.


J'écoute la bête, je la tient en respect tant que je peux, mais il est parfois doux de lâcher les armes et de la laisser me dévorer, de la regarder fouiller mes entrailles et me dépecer avec fureur, depuis le temps qu'elle se contient, elle a faim et se nourrit comme si elle voulait ne plus jamais connaître cet appétit, avec avidité et sans aucune hésitation, et je la regarde m'engloutir sans reprendre son souffle et avant même d'avoir conscience du mal qu'elle me fait, alors que j'ai sciemment permis cet assaut et que je ne cherche même plus à me défendre.



Le temps a changé. La bête est moins gourmande, elle s'est gavée des années durant de ma faiblesse ignorante, mais je ne la laisse plus autant faire, et son appétit doit s'amenuiser avec la raréfaction de sa pitance; mais je reste vigilante, je sais qu'elle respire toujours quelque part dans un coin, jamais bien loin, et qu'elle reconnaît à la seconde l'odeur de mes hésitations, le parfum de mes errances et celui, familier, du doute profond, alors sans cesse je déploie des ruses pour dissimuler à son flair aiguisé mon absence de courage; je fuis parfois pour lui échapper, oubliant un instant toute velléité, toute aspiration, mais l'envie n'est jamais loin, qui seule me permet de ne pas ployer définitivement; c'est une grâce, une chance, que j'ai pour soif de préserver.




La belle et la bête - Jean Cocteau


2 commentaires:

  1. Tu participes a un atelier d'ecriture ? J'ai parfois envie et parfois pas du tout. Je connais bien ce besoin d'ecrire, de se plonger dans les mots, d'en sortir un texte. Continue, tu ecris bien. Continuons......

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  2. Oui, je participe à un atelier d'écriture.
    J'ai longtemps tourné autour et j'ai essayé plusieurs formules, mais je ne regrette pas d'avoir choisi la formule régulière, qui me permet au moins d'écrire une fois par semaine... Même si je suis loin de mon rythme rêvé ! ;o)

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