février 29, 2012

Hymne velléitaire

J'aime ce garçon, cette chanson, son rythme et l'esprit bien sûr.
La velléité est une seconde nature.

février 26, 2012

Rien ne s’oppose à la nuit


  
Delphine de Vigan consacre ce livre à sa famille, à sa mère, avec pour but avoué d’essayer de comprendre ce qui l’anima en retraçant, à l’aide des témoignages familiaux, qui elle fut au sein de cette tribu vivante et pourtant hantée. Les drames n’épargnent pas cette famille atypique dont on voudrait croire qu’elle déborde tellement de vie et d’amour qu’elle se construit au-delà des tragédies qui la frappent, et dont on comprend que chacun intègre la douleur comme une composante de lui-même, lui donnant une résonance et une vibration terribles. Au milieu de cet ouragan familial, la mère de l’auteur traverse, enfant, ado puis très vite mère, qui se révèle atteinte de troubles bipolaires.

Il est troublant de constater combien elle hante le roman quasiment depuis le début, et combien elle s’incarne peu à peu au fur et à mesure que sa fille, prend conscience de qui elle est et de ce qu’elle traverse, et alors même qu’elle devient l’ombre d’elle-même. L’attachement que je lui ai porté en tant que lectrice était forcément lié à celui de l’auteur et j’ai trouvé beaucoup de transparence dans ce témoignages ponctué de passages où l’auteur nous associe à sa démarche, à ses doutes, à ce que lui a coûté l’écriture de ce roman.

Pour difficile que soit ce récit à envisager dans toutes ses dimensions humaines, taillé dans l’amour, les liens familiaux et les tensions qui leurs sont inhérentes, l’on ressent la nécessité de l’écriture, on y découvre le formidable témoignage de l’auteur sur sa famille, extraordinairement généreuse, portée par des grands-parents fantasques (la figure de la grand-mère est délicieuse, le grand-père est un personnage complexe, dont on sent qu’il fut fascinant et terrible à la fois). L’honnêteté du récit en fait sa force : l’auteur ne nous ménage pas, les faits sont là, mais elle ne les embourbe pas dans un pathos qui serait littéralement asphyxiant. Elle fait acte de témoignage. 

C’est peu dire que j’ai été happée par ce roman. Je l’ai lu comme je bois un bon verre de vin, en appréciant de retrouver l’écriture fluide de Delphine de Vigan, dont j’avais beaucoup aimé Les heures souterraines et No et moi. Peu portée sur l’autofiction qui sévit actuellement, c’est plus mon goût pour les récits de vies qui m’a incitée à le lire et à travers eux la peinture d’époques. Encore une fois, je fus captivée, Delphine de Vigan est pour moi de ces auteurs qui saisissent l’air du temps et le retranscrivent avec beaucoup de justesse, de ces auteurs qui ont les deux pieds dans la vie.

Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan, JC Lattès, novembre 2011.

février 23, 2012

Conceptions de l'évolution

Hier j'entendais à la radio "Comment ce genre de choses peut-il encore arriver alors que nous sommes en 2012 ?!"
La personne, manifestement révoltée, évoquait la fuite de deux personnes âgées de leur maison médicale. Atteintes de la maladie d'Alzheimer, elles ont été retrouvées mortes dans un square voisin de l'établissement.
Situation choquante, bouleversante, accident tragique.
C'est la formulation qui m'a soudain laissée perplexe.
"Comment ce genre de choses peut-il arriver en 2012 ?"
Se confrontent ici deux notions : 2012, maîtrise technologique chaque jour plus épatante, multifonction, à l'utilité parfois discutable, et la notion d'accident.

Je me demande si, emportés par les évolutions technologiques, nous n'avons pas l'impression de posséder le pouvoir de maîtriser toute chose et si, dès lors qu'un accident survient, nous ne sommes pas brutalement tirés de notre cocon sécurisé pour constater, de fait, notre impuissance.


En 2012, des gens meurent de faim, il y a des guerres un peu partout.

Les baleines grises disparaissent et dans moins de 40 ans il n'y aura plus de poisson.
Et la notion d'accident nous demeure cependant intolérable.
Pour moi, c'est une expression sursaut de notre humanité, de celles dont il me semble de plus en plus que, pris dans notre confort et nos gadgets numériques, nous n'entendons pas assez la profondeur.
De celles qui nous révèlent pourtant des points fondamentaux de notre évolution :
- l'homme n'est pas encore tout puissant
- mais il est encore capable de s'en indigner
- pourtant, il se laisse bercer par des applications, des réseaux et des technologies qui, pour performantes qu'elles soient, doivent être mises au service de l'homme.
Pour moi, le virage n'est pas encore pris, et l'homme est pour le moment à la merci des technologies.
Aveuglé par leur performance, ivre de son propre talent, assoiffé d'en repousser les limites.
Un résumé de l'évolution.
Je ne fustige pas les technologies, je tape ce post sur mon iPhone, dans le train qui me conduit au bureau.
Ce matin la radio annonçait la mort de journalistes en Syrie, le message dominant de Marie Colvin, journaliste américaine, était "Comment le monde peut-il laisser faire ça ?"
Résonance.

février 22, 2012

Un état d'hiver


Comme beaucoup, je suis en overdose de doudounes, en indigestion de pulls. L'écharpe en travers de la gorge, je regarde tous les matins le givre consteller les velux de l'appartement et enfile consciencieusement les épaisseurs de vêtements qui m'éviteront de concourir dans la catégorie "broncho-pneumonie" puisque je travaille à côté d'une grande et néanmoins glaciale baie vitrée. Mes doigts et mes oreilles me détestent, je n'aime ni les gants ni les bonnets.
Sur les murs du métro, deux lianes vêtues de jupes légères au motif fleuri, alanguies sur la plage me rappellent que l'été sera bientôt là. L'espace d'un instant je leur en sais gré ; la seconde suivante, je reviens sur le quai du métro en hiver. No comment. 
Je regardais récemment Fargo, polar polaire, histoire de me réchauffer les neurones, et tombais en admiration muette devant ce personnage incarné par Frances Mc Dormand. 
Son détachement face au froid, aux couches de neiges (et aux cadavres), m'interpella. Sa façon de considérer les choses de façon pragmatique sans plainte, sans rictus à cause du froid, son côté canard m'a plu. 
Et si l'hiver était un état d'esprit ? Un état de froid qui demande de prendre soin de soi pour tenir jusqu'à la libération des bourgeons et des températures. Un moment à passer à prendre soin de soi pour tenir, malgré le gel, les nuits trop longues et le manque de soleil. Une parenthèse glacée à accepter pour mieux revivre au printemps.
Me revient en tête l'histoire de Perséphone, fille de Déméter, qui, enlevée par Adès fut menée aux enfers pour en devenir la reine. Folle de chagrin, Déméter va chercher sa fille et négocie avec Zeus et Hadès qu'elle revienne sur terre. Mais Perséphone ayant avalé 7 pépins de grenade, elle appartient malgré elle aux enfers. De tristesse et de rage, Déméter décide de porter en quelque sorte le deuil de sa fille six mois de l'année, ce qui donne lieu à l'automne et à l'hiver.  
7 grains de pépins de grenade. 
A quoi on tient... 





février 02, 2012

L'essentiel est invisible pour les yeux


Le Petit Prince est-il encore lui-même sans la douceur délicate des aquarelles de St. Exupery, qui suggérait si bien son ingénuité ?



Gonflé de 3D, assujetti aux critères graphiques de notre époque, ce petit prince 2000 a-t-il quelque lien de parenté avec ce conte intemporel, qui avait tout pour passer à la postérité sans qu'il soit besoin de lui réinventer des aventures spatiales. Dans lesquelles, qui plus est, on lit des absurdités aussi édifiantes que le petit prince déclarant "Encore un coup du serpent".
Bon. Je pense qu'il y a un marché pour "le profil d'une oeuvre"...



Idem pour Tintin. Le prétexte de l'animation 3D n'atteindra pas pour cette fois la légende de cette BD qui fut longtemps la référence en matière de 9e art. Les années 50, le charme délicieusement rétro des dessins et de l'atmosphère, sont-ils compatibles avec la mise en animation ? Que dire des films qui n'ont jamais atteint l'esprit de la bande dessinée... 



Foutons la paix à ces personnages, dont le message dit si bien leur époque et sachons imaginer les nôtres. Encore faut-il avoir quelque chose à dire de notre époque, dont les prouesses en animation ont vite pris le pas sur le propos. Il suffit de compter les super productions dont on voudrait croire que les moyens graphiques suffiront à pallier le manque de finesse de la construction et l'absence de message de fond. Il suffit de voir la pauvreté du message d'Arthur et les minimoys, l'inefficacite des dialogues et la lourdeur de mise en place d'un scénario dont le manque de crédibilité crie si fort qu'il en extermine toute possibilité de magie. Luc Besson a du talent et j'aime beaucoup son travail, mais reconnaissons qu'il aurait pu tellement mieux faire. 


Les enfants ne demandent qu'à rêver, mais c'est aux adultes qu 'il revient de créer dans cette industrie et je suis désolée de constater qu'aujourd'hui on recourt trop souvent aux classiques d'hier sans prendre la peine de conserver ce qui en faisait l'essence, pervertissant ainsi leur personnalité propre et trahissant à la fois leurs auteurs et leurs admirateurs. (Que font les ayants-droits ?! Ils exploitent et "font vivre" l'oeuvre de l'auteur. Je vous laisse apprécier). 








On ne me fera pas croire qu'il n'est pas aujourd'hui d'auteurs de la trempe de St. Ex ou Hergé. En revanche je pense que les producteurs refusent de prendre des risques. Heureusement que Miyazaki nous sauve la mise et nous emporte sans hésitation dans son univers où le quotidien côtoie si bien la féerie et les démons de sa culture. En voilà un qui n'a pas oublié la puissance imaginative d'un enfant et qui n'a pas eu besoin de la 3D pour imposer ses films en salle. Je n'ai rien contre la 3D, bien que je la trouve loin d 'être aussi impressionnante que les films que je voyais enfant à Géode. Mais je ne la trouve pas toujours utile.


Ne ressuscitons pas le petit prince sous couvert de modernisme. Pour moi, c'est une démarche inverse que cela connote, celle de personnes qui placent devant toute chose le profit nécessaire et qui voudraient croire qu'elles peuvent impunément remodeler des oeuvres et leurs personnages parce qu'elles détiennent une magie technologique. Il y a erreur, puisque bien entendu la technologie ne fait pas le talent, on le saurait, depuis le temps.
Mais il semblerait que l'on préfère prendre les spectateurs pour des oies. Le pire ? C'est que les entrées en salle leur rendent raison. Sur un malentendu...