février 20, 2014

Faire corps avec les pages


Je ne me résous pas aux liseuses. A passer à la liseuse, pour être plus précise,  puisqu'il m'est en revanche tout à fait compréhensible que les autres trouvent ça plus pratique, plus léger, plus compact et moins cher. Car du coup, ça me coûte plus de sous. Tout est relatif cela étant dit, entre les livres que l'on me prête et ceux que j'achète d'occasion, je ne suis pas non plus au bord de la ruine.






Mais alors que je fais corps, que dis-je, alors que j'ai digéré et transformé mon iPhone en matière organique (plus besoin d'étui, il est toujours rivé à moi comme un bébé koala), je ne supporterais pas de lire un roman sur une liseuse. Car avez-vous remarqué comme le livre vit ?


Ma fille a appris au début de l'année qu'est considéré comme vivant toute chose capable de se déplacer. WTF ?!
Donc l'arbre n'est pas vivant et l'on peut donc prolonger le délire en considérant que le livre ne saurait prendre racines sur une table de nuit sans rapidement connaître quelques pérégrinations. En tous cas s'il vaut le coup.
Et s'il ne pèse pas 1,450 kg. Car Dieu sait que j'ai aimé "Dans la main du diable", d'Anne-Marie Garat. Mais je le transportait à la main, sinon il faut fournir l'ordonnance kiné avec le bouquin. En 'plus produit', ça se fait. "Le premier livre fourni avec des séances de massage".

Évidemment, à 1,450 kg, il ne peut pas non plus moisir sur ma table de nuit sinon j'en prends pour six mois. À raison de 3 pages par soir (nous sommes peu de choses).

Et donc pendant quelques jours -semaines-, je me balade avec une brique de papier à la main. Pratique quand il pleut, pratique dans le métro (quand vous confondez votre pass navigo avec une carte USB et que la fille derrière vous est manifestement à terme de patience à 8h12, ça promet).
Pratique à stocker une fois qu'il est fini : deux options, soit on le prête, soit on le rend à la bibliothèque municipale. Et hop.

Et donc j'en arrive à ce qui me remue pour de vrai de si bon matin (les déclarations ça n'attend pas) : j'adore le papier, j'aime les pages, je kiffe la silhouette des typo et l'empreinte des lettres sur le papier. Ce léger renflement sur le bord, la position nette et précise du point enfoncé dans le papier à la fin d'une phrase.
Les pages se tournent, l'histoire se déroule, je vois que j'en suis à la moitié du roman, j'imagine que certains n'en ont plus pour longtemps et que d'autres ne sont pas encore tirés d'affaire.

C'est particulièrement vrai dans le livre que je lis actuellement "Faillir être flingué" de Céline Minard. De l'aventure que seules, à mon goût, des pages de papier sont capables de contenir avec suffisamment de souplesse pour laisser libre cours à mon imagination, à la poussière, aux bastons de saloon et au galop des troupeaux de bisons. Ce souffle-là entre en écho avec le mouvement des pages tournées et la matière du papier. Ce souffle-là se déchaîne sous mes yeux, à la faveur d'un objet unique, je l'aime, je l'aimerai toute ma vie (de la déclaration on a dit !).

Les cristaux de la liseuse, sa matière légère et en plastique, son écran gris, la page toujours identique... Il faut que j'essaie. Je sais qu'il faudrait que j'essaie.

Je m'y mets et on en reparle ?



 





ça doit être mon côté romantique... Mais une liseuse à la place du livre, c'est quand même moins évocateur, non ?