mai 03, 2011

Du rêve

Dites donc, on aurait dit que j'étais tombée dans un trou ces derniers jours, et qu'en fait, chez moi, c'est presque comme s'il faisait nuit tellement j'ai l'impression de ne pas mettre le nez dehors.

Impression, impression, pas seulement, la vérité c'est que je vis les affres des produits d'édition dans leur dernière ligne droite, celle dont il semble qu'on a beau courir, on n'atteindra jamais la petite lumière au bout du tunnel.

Bon, voilà, je suis crevée, je n'aurai pas de vacances avant juin, ça me fait suer mais c'est comme ça. (Vous avez vu comme je prends sur moi ?) Parlons plutôt que ce que j'ai fait ces derniers temps de mes loisirs, car il m'en reste, la vie n'est donc pas totalement unfair (ceci est un clin d'œil pour H.).



L'expo "Odilon Redon, prince du rêve", au Grand Palais.

Odilon et moi, c'est une histoire d'amour sans nuages depuis que je l'ai découvert sur les couvertures des bouquins de Huysmans, Lautréamont et Bauchau à la fac (un de ces trois auteurs n'était pas au programme, je vous laisse deviner, too bad). Évidemment, Odilon n'est pas si connu, et c'est là une bien grande perte, mais si j'en juge par la couverture médiatique de l'expo, ce tort devrait être rapidement réparé.

L'expo au grand Palais est une bénédiction, qui tombe, c'est amusant, l'année de nos dix ans de mariage, alors même que nous avions choisi un mélange de ses toiles pour notre faire-part. La vie fait de ces clins d'œil... Et hop, transition (subtile) sur la première des trois périodes de l'artiste, précurseur des surréaliste, ses litho et fusains peuplés de créatures fantastiques, d'yeux ballons et d'araignées souriantes.

Une première période marquée par l'enfance solitaire du peintre, qui fut malade et isolé et en conçut un imaginaire tout personnel. (A se demander si enfermer ses enfants dans le placard sous l'évier ne serait pas plus profitable à leur sens artistique que de les laisser mariner devant la télé, j'y réfléchis et je vous dit).
Ce ne sont pas là les œuvres les plus faciles d'accès d'Odilon Redon, j'en conviens, mais dites-vous bien que l'araignée qui sourit, vue en vrai, est sympath
ique.




L'oeil-ballon, 1878.




L'araignée qui sourit
(1881).



Autre période, par laquelle arriva le succès, les bouquets. Je vous laisse imaginer les couleurs, les tableaux en vrai dépassent largement ces repro, ce ne sont que couleurs éclatantes et finesse du traits. Les coquelicots sont si troublants que la nature ne s'en est pas encore remise.



Coquelicots et marguerites dans un vase bleu - Pastel sur papier


Et voilà, vous voyez les couleurs ? Les pastels. L'huile.
Odilon Redon est méconnu parce qu'il refusa, à maintes occasions, de voir ses toiles accrochées. Voilà, il l'a bien cherché. Mais malgré cela, je vous signale qu'il a tout de même rencontré un certain succès, au point de réaliser le décore de la bibliothèque de l'abbaye de Fontfroide (abbaye qui sera ouverte exceptionnellement pour la durée de l'expo dans la région). Et de réaliser des motifs floraux pour des fauteuils et tapis. Quand même. La mise en scène de l'exposition est magnifique, les marie-Louise récupérées de l'expo Monet mettent particulièrement bien en valeur les albums de Redon, et les toiles aux profils colorés et, de façon assez surprenante, souvent au second plan, sont fascinantes. Tout simplement.
Je cite Tolstoï, parce qu'il donne une idée parlante de l'incompréhension de ses contemporains "L'un d'eux, qui avait un nom dans le genre de Redon, avait peint, de profil, un visage tout bleu." On a envie de lui dire "Et alors ? Laisse-toi porter, Léon", mais il faut croire qu'à l'époque, ça ne marchait pas comme ça.




Odilon Redon, La Cellule d’Or, 1892 ou 1893
© The British Museum, Londres, Dist Rmn

Je me demande si, en tant que contemporaine, j'aurais autant aimé ?
Les couleurs sont tellement profondes, mêlant or et bleu, rouge vif, les traits des personnes représentées m'émeuvent.



Femme voilée -vers 1896-1900) - pastels et craie sur papier bleu.

Une de mes toiles préférées, mais qui ne figure pas dans la rétrospective.




Sita (1893)
- pastels sur fusain.



Bref, je vais vous dire, après 1h30 de voyage à travers son œuvre, je suis arrivée le cœur battant devant la dernière toile, inachevée, que son fils trouva en rentrant de permission en 1916, deux jours après la mort de son père, âgé de 70 ans, j'étais émue comme tout.




Vierge (1916)
- Huile sur toile.

L'expo est visible jusqu'au 20 juin. Courrez-y vite.

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