avril 13, 2010

Through the Looking-Glass

Quand on est chef de projet en agence de communication d'entreprise, plusieurs possibilités s'offrent à nous quand on a atteint le point de non retour des dix ans (bien tassés) d'expérience.

Option A : on devient directeur de clientèle.

C'est alors qu'opère une métamorphose : on ne sait plus dire non à ses clients ; la voix devient plus aiguë, on se met à glousser.
C'est fascinant.
On tombe en amour pour ses clients. (On en a l'air en tous cas).
Ce qui, quand on a subi dix ans (bien tassés) de production, est de l'ordre de l'inhumain.
C'est vrai quoi.
Des clients, ce sont des gens qui nous demandent des choses... contestables, comme de leur envoyer des photocopies de nuanciers.
Qui trouvent que non, vraiment, en rose, c'est "moche", voir "laid".
Et que la créa de départ était superbe. Mais finalement non, ça ne va pas.
Des gens dont on a pensé pendant dix ans (bien tassés) qu'ils ne s'étaient levé le matin que pour nous pourrir la journée.
Je ne suis pas Nelson Mandela, je ne pardonne pas à mes geôliers après avoir passé trente ans derrière les barreaux avec pour seule compagnie un poème victorien.

Être directeur de clientèle implique d'aimer son agence, en proposant aux clients des devis ficelés comme des rôtis, bardés de lard, bien salés, bien poivrés, bien serrés pour pas qu'on puisse lire entre les lignes.
Cela implique d'avoir envie de connaître ces clients qui nous font vivre. Donc d'être curieux de leur vie.
D'avoir la tchatche et de les faire rêver. De savoir bien mentir.
Cela implique, enfin, de vouloir continuer à travailler en agence.
Aaaahhh, la vie d'agence, ses réorganisation saisonnières, ses non-RTT, ses chefs en pagaille et ses positionnement aux contours flous (ses non-primes, ses non-13e mois et ses non-augmentations... ).
Cela implique de savoir et vouloir faire du développement.
Last but not least.


Option B : On va travailler chez l'annonceur

On fait fi de toutes ces années en agence, on tourne une vraie page et on passer, véritablement, du côté obscur de la force.
Cela implique d'accepter de devenir "la cliente", avec tout ce que ce terme peut avoir de péjoratif, de grisant, d'impérieux (faites votre choix).
Cela implique un meilleur salaire, plus de congés, (normalement) (sinon bonjour l'angoisse). peut-être même des horaires plus cool
Cela implique d'embrasser une seule entreprise, une seule stratégie, de manger, dormir, rêver "Mon entreprise à moi", de baigner dans une seule ambiance de travail.
Cela implique enfin de vouloir continuer à faire de la communication d'entreprise.
Last but not least.

Moi qui suis entrée en agence de com parce qu'il y avait de la lumière (et du boulot), je me retrouve aujourd'hui complètement dans le noir et j'ai le sentiment d'être condamnée à faire de la "com" (ça m'a tout l'air d'être un piège...)

Comment elle revient au bercail, Alice, déjà ?





Lewis Carroll, Alice as a beggar child by Lewis Carroll 1859.
(© Ovenden Collection, courtesy Akehurst Creative Management, London)


C'est marrant, j'avais la même coupe, petite (je détestais).






7 commentaires:

  1. ... Et dire que j'suis payé pour observer l'un et l'autre sur le ring... Belle vision de l'intérieur, en tout cas, je le note :))

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  2. LVE, lève le voile, tu es quoi ? Consultant ?

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  3. LVE : ah oui, c'est l'option C vers laquelle je me dirige...

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  4. Anonyme2:10 PM

    Je comprends votre malaise mais la comparaison avec Nelson Mandela qui s'est battu toute sa vie pour la liberté, contre le racisme n'est pas adapté
    Il y a combat et combat
    et pour combattre l'Apartheid sans guerre civile le pardon est nécessaire

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  5. Anonyme : Je ne mène pas de combat, et c'était un clin d'œil, de l'humour, du second degré, un décalage qui évidemment n'avait pas pour but de me comparer à Nelson Mandela (rien que l'idée m'amuse ;o)

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  6. Oh ben j'allais dire que dans les cas comme çà, le salut vient de la troisième voie, celle qui ne ressemble qu'à elle et qu'on peut modeler en fonction de ses rêves à soi ;o)

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