Delphine de Vigan consacre ce
livre à sa famille, à sa mère, avec pour but avoué d’essayer de comprendre ce
qui l’anima en retraçant, à l’aide des témoignages familiaux, qui elle fut au
sein de cette tribu vivante et pourtant hantée. Les drames n’épargnent pas
cette famille atypique dont on voudrait croire qu’elle déborde tellement de vie
et d’amour qu’elle se construit au-delà des tragédies qui la frappent, et dont
on comprend que chacun intègre la douleur comme une composante de lui-même, lui
donnant une résonance et une vibration terribles. Au milieu de cet ouragan
familial, la mère de l’auteur traverse, enfant, ado puis très vite mère, qui se
révèle atteinte de troubles bipolaires.
Il est troublant de constater
combien elle hante le roman quasiment depuis le début, et combien elle
s’incarne peu à peu au fur et à mesure que sa fille, prend conscience de qui
elle est et de ce qu’elle traverse, et alors même qu’elle devient l’ombre
d’elle-même. L’attachement que je lui ai porté en tant que lectrice était
forcément lié à celui de l’auteur et j’ai trouvé beaucoup de transparence dans
ce témoignages ponctué de passages où l’auteur nous associe à sa démarche, à
ses doutes, à ce que lui a coûté l’écriture de ce roman.
Pour difficile que soit ce récit
à envisager dans toutes ses dimensions humaines, taillé dans l’amour, les liens
familiaux et les tensions qui leurs sont inhérentes, l’on ressent la nécessité
de l’écriture, on y découvre le formidable témoignage de l’auteur sur sa famille,
extraordinairement généreuse, portée par des grands-parents fantasques (la
figure de la grand-mère est délicieuse, le grand-père est un personnage
complexe, dont on sent qu’il fut fascinant et terrible à la fois). L’honnêteté
du récit en fait sa force : l’auteur ne nous ménage pas, les faits sont
là, mais elle ne les embourbe pas dans un pathos qui serait littéralement
asphyxiant. Elle fait acte de témoignage.
C’est peu dire que j’ai été
happée par ce roman. Je l’ai lu comme je bois un bon verre de vin, en
appréciant de retrouver l’écriture fluide de Delphine de Vigan, dont j’avais
beaucoup aimé Les heures souterraines et
No et moi. Peu portée sur
l’autofiction qui sévit actuellement, c’est plus mon goût pour les récits de
vies qui m’a incitée à le lire et à travers eux la peinture d’époques. Encore
une fois, je fus captivée, Delphine de Vigan est pour moi de ces auteurs qui
saisissent l’air du temps et le retranscrivent avec beaucoup de justesse, de
ces auteurs qui ont les deux pieds dans la vie.
Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan, JC Lattès, novembre 2011.
Et bien tu me donnes envie de le sortir tout de suite de ma pile ! Et j'aime beaucoup ces histoires de famille
RépondreSupprimerComme les histoires de familles, tu verras, c'est touchant et prenant. Très fort.
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