février 26, 2012

Rien ne s’oppose à la nuit


  
Delphine de Vigan consacre ce livre à sa famille, à sa mère, avec pour but avoué d’essayer de comprendre ce qui l’anima en retraçant, à l’aide des témoignages familiaux, qui elle fut au sein de cette tribu vivante et pourtant hantée. Les drames n’épargnent pas cette famille atypique dont on voudrait croire qu’elle déborde tellement de vie et d’amour qu’elle se construit au-delà des tragédies qui la frappent, et dont on comprend que chacun intègre la douleur comme une composante de lui-même, lui donnant une résonance et une vibration terribles. Au milieu de cet ouragan familial, la mère de l’auteur traverse, enfant, ado puis très vite mère, qui se révèle atteinte de troubles bipolaires.

Il est troublant de constater combien elle hante le roman quasiment depuis le début, et combien elle s’incarne peu à peu au fur et à mesure que sa fille, prend conscience de qui elle est et de ce qu’elle traverse, et alors même qu’elle devient l’ombre d’elle-même. L’attachement que je lui ai porté en tant que lectrice était forcément lié à celui de l’auteur et j’ai trouvé beaucoup de transparence dans ce témoignages ponctué de passages où l’auteur nous associe à sa démarche, à ses doutes, à ce que lui a coûté l’écriture de ce roman.

Pour difficile que soit ce récit à envisager dans toutes ses dimensions humaines, taillé dans l’amour, les liens familiaux et les tensions qui leurs sont inhérentes, l’on ressent la nécessité de l’écriture, on y découvre le formidable témoignage de l’auteur sur sa famille, extraordinairement généreuse, portée par des grands-parents fantasques (la figure de la grand-mère est délicieuse, le grand-père est un personnage complexe, dont on sent qu’il fut fascinant et terrible à la fois). L’honnêteté du récit en fait sa force : l’auteur ne nous ménage pas, les faits sont là, mais elle ne les embourbe pas dans un pathos qui serait littéralement asphyxiant. Elle fait acte de témoignage. 

C’est peu dire que j’ai été happée par ce roman. Je l’ai lu comme je bois un bon verre de vin, en appréciant de retrouver l’écriture fluide de Delphine de Vigan, dont j’avais beaucoup aimé Les heures souterraines et No et moi. Peu portée sur l’autofiction qui sévit actuellement, c’est plus mon goût pour les récits de vies qui m’a incitée à le lire et à travers eux la peinture d’époques. Encore une fois, je fus captivée, Delphine de Vigan est pour moi de ces auteurs qui saisissent l’air du temps et le retranscrivent avec beaucoup de justesse, de ces auteurs qui ont les deux pieds dans la vie.

Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan, JC Lattès, novembre 2011.

2 commentaires:

  1. Et bien tu me donnes envie de le sortir tout de suite de ma pile ! Et j'aime beaucoup ces histoires de famille

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  2. Comme les histoires de familles, tu verras, c'est touchant et prenant. Très fort.

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