décembre 21, 2009

"C'est une jungle, nous sommes pris dans une jungle"



Il faut quand même que je vous parle de Suite française, que je viens de finir, et qui m'a semblé tout à fait intéressant, agréable et sympathique.
Je découvre avec lui cette femme romancière, Irène Némirovsky, originaire d'Ukraine mais de langue française, dont le talent pour raconter les gens, petits et grands m'a souvent agréablement surprise.

Le roman n'est pas achevé, mais qu'à cela ne tienne, il représente en réalité la réunion des deux premiers tomes prévus pour être initialement les deux premiers tomes d'une série de cinq. L'auteur nous installe suffisamment bien dans l'époque, et peint des personnages aux mille détails parlants, de sorte que chacune des deux parties s'ouvre sur une suivante, mais qu'elles sont parfaitement équilibrée et achevées en elles-mêmes. Le témoignage est écrit sur le vif, Irène Némirovsky ayant assisté à cet exode, même si elle-même n'a pas quitté la région parisienne. Le tableau de l'époque et les figures décrites sont excessivement justes, et les portraits sont amusants autant qu'acerbes. L'ensemble forme une fresque de belle ampleur, qui ne s'essouffle pas et compte un certain nombre d'extraits aussi riches que parlants. Quant aux métaphores, elles sont à la fois poétiques et très expressives.

La première partie, Tempête en juin, décrit l'exode de juin 1940, où les Français fuient les allemands arrivés dans le Nord de la France et entrés dans Paris le 14 juin.
Chaque chapitre donne lieu à la présentation d'un ou de plusieurs personnages, chacun très finement dépeint grâce à l'art du détail et le sens critique de l'auteur. On sent un certain cynisme en même temps que de l'attachement pour certain (peu) d'entre eux. La critique de la société est féroce : en prenant chaque personnage dans son milieu et en le jetant sur les routes en temps de guerre, Irène Némirovsky a là matière à mettre en exergue chaque défaut, chaque
caractéristiques d'une classe sociale, d'une typologie de personnages : des grands bourgeois à l'auteur égoïste, des gens modestes au collectionneur de faïences, elle nous offre un regard perçant et sans complaisance sur les hommes. Par exemple, sur le bord de la route, la mère de famille bourgeoise partagera généreusement les vivres emportés avec les enfants d'une famille dans un café, accomplissant par là même ses bonnes oeuvres, mais elle leur retirera le pain de la bouche sitôt qu'elle aura pris la mesure du dénuement dans lequel l'exode place chacun.

La seconde partie, Dolce, s'arrête dans un petit village, Bussy, et décrit quelques mois de la vie quotidienne des villageois qui ont accueilli les Allemands dans leurs murs. Une relation se tisse plus particulièrement entre une jeune femme et un officier allemand.

Les dernières parties auraient pu/dû s'appeler 3) Captivité ; 4) Batailles 5) La paix, mais les titres n'étaient pas fixés, pas plus que le titre de l'ensemble, pour lequel elle avait envisagé Tempête ou Tempêtes. Le titre de Suite française étant donné finalement en référence à la musique, dont elle se sentait proche, la suite musicale étant un ensemble d'airs musicaux de même tonalité mais aux rythmes différents.

L'auteur ne terminera pas sa fresque, arrêtée le 13 juillet 42, elle est déportée à Auschwitz où elle meurt du typhus le 19 août.

Ce roman posthume a également une histoire. Légué à ses deux filles, le manuscrit est demeuré enfermé de longues années après la disparition de son auteur. Une de ses deux filles le lira finalement en 1998, et il sera publié en 2004 par les éditions Denoël. Il recevra le prix Renaudot la même année.

Suite française, Irène Némirovsky, éditions Denoël, 09/2004. Existe également en version Poche chez Folio.

1 commentaire:

  1. J'ai lu "David Golder" de cette auteur. Je lirais volontiers un autre de ses livres

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