mars 21, 2011

Mes collègues et moi

Quand je caresse de l'idée le projet de devenir free lance, je m'interroge souvent sur la solitude que j'éprouverais seule chez moi, à concurrence égale avec la tranquillité, évidemment.
Les dernières semaines sont tellement riches en missions de toutes sortes (je suis donc débordée), nécessité faisant loi, je prenais sur moi et je gérais les accès de stress des uns et des autres.
A savoir qu'en open space, quand quatre personnes sur cinq sont au téléphone en même temps, si vous avez le malheur d'être la cinquième, vous prenez vos pages et allez relire ailleurs.
Oui, cinq personnes, c'est un petit open space, plus open que space, en fait, nous sommes les uns sur les autres. Et forcément, des fois, ça swingue...


Ma collègue androïde (qui a finalement fini sa pomme après l'avoir laissée pourir trois jours durant sur son bureau, par provoc, je pense, après que je lui ai dit ce que j'en pense), pète les plombs plus vite que son ombre.
Il suffit qu'un planning lui résiste, ou qu'elle ne comprenne pas l'arborescence d'un doc, pour qu'elle soit en larmes, ne réponde pas ou nous hurle dessus quand on lui propose de l'aide, et prenne finalement ses clics et ses clacs sans dire au revoir un vendredi soir.
La même qui vous dira qu'elle vous connaît mieux que vous même (what else, elle a fait une analyse) et qui, quand vous lui donnez un conseil, vous répond "oui maman !"
Bon, je ne suis pas susceptible, mais si je l'étais, ça aurait vite fait de m'agacer.


Ma collègue intérimaire, elle, voulait que nous soyons amies au bout de deux jours. Pourquoi pas. Mais comme je suis un peu sauvage ("désagréable", ndlr.), l'affaire n'est pas pliée de sitôt.
Au bout de trois semaines, je me félicite de n'avoir pas encouragé ses velléités, jugez plutôt : elle explose de rire plus fort que de raison, dès que je fais l'ombre d'une blague, et quand quelqu'un viens me faire des remarques sur mon travail, se lève dans la foulée pour venir me défendre et me donner des arguments pour moucher ces gens qui osent discuter avec moi de la qualité des docs que nous réalisons.
Pire, elle me dit, "Oh May, tu as un tempérament de feu ("un sale caractère", ndlr), tu devrais être orientale !"
Ma collègue amie me dit "A ta place, je flipperais, as-tu vu JF partagerait appartement ?..."



Ma collègue martyre, elle, appelle à 19h et, d'une voix mourante, me demande si je veux qu'elle relise mon doc ce soir. La vision fugace, mais très précise, d'elle le lendemain matin, l'air épuisé, confessant dans un souffle et dans tous les couloirs qu'elle a relu le rapport machin jusqu'à tard me décide, c'est non. Je ne lui fournirai pas les clous pour la croix.



Mon collègue optimistissime refuse de reconnaître les dysfonctionnements de la boîte. Il fait la bise à la boss, il connaît ses circonstances atténuantes (il ne peut pas se permettre de dauber sur une "amie"). Sauf quand la coupe est pleine. Alors il proteste, râle et peste.
Derrière sa cloison.



Mon collègue Ken a la voix très grave. Dès qu'il parle, il parle des heures et l'on sent que sa voix est douce à son oreille. Il se rengorge, s'écoute déblatérer, multiplie les expressions du genre "A aujourd'hui" et "Je vais ambiancer le client" (comprendre " je vais l'embrouiller agréablement").
Plus de trois interlocuteurs, il est en cours magistral: tout le monde en profite. Au bout d'1/2 heure, je lui fais remarquer qu'on essaie de bosser et qu'il faut plus de bruit que nous cinq réunis. Au bout de deux heures, il vient s'excuser. Le mal est fait. On n'excuse plus.


Ma collègue chef est harcelée par "les gens", elle est tellement incontournable qu'elle se plaint souvent de ne pouvoir faire un pas dans l'agence sans qu'on l'interpelle. C'est certainement parce qu'elle le vaut bien. Je n'aime rien autant que l'entendre trépigner de plaisir en disant dans un hoquet "Mais laissez-moi tranquille, les gens !!!"


Restent mes collègues amies, qui me manqueraient vraiment si je devais travailler chez moi. Les bons jours, je me dis qu'elles me manqueraient de insupportablement. Les mauvais jours, que j'aurais bien plus plaisir à les retrouver le midi pour déjeuner avec elles.


Conclusion ?





(Quand j'ai besoin d'air, je vais faire un tour ici)


2 commentaires:

  1. Belle galerie de personnages : je me demande si tes collègues ne travaillent pas à mi temps dans mon agence ? Toujours est-il que quand je réfléchis à ma prochaine vie pro (ahahaha), j'ai les mêmes interrogations que toi sur la condition solitaire du freelance...

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  2. Miss Zen : c'est ma troisième agence, et honnêtement, il y a de sacrés cas, au point que mes amies me regardent bizarrement, s'interrogeant sur l'étrange faculté qui me permet de rester parmi eux. De savoir que tu as les mêmes me rassure un peu, parce que je te trouve somme toute assez normale (mais je ne te connais qu'Internetement parlant, ceci dit ;o)

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