février 23, 2007

L'imagination ne suffit pas !


Eva Luna – Isabel Allende
1987

J’affectionne la littérature sud-américaine. J’aime l’onirisme, les rebondissements étonnants et la liberté imaginaire totale que s’offrent les auteurs. J’avais précédemment lu et beaucoup aimé « Fille du destin », du même auteur. Dans ce livre-ci, j’ai été déstabilisée par la succession vertigineuse des personnages et des situations toutes plus farfelues les unes que les autres, comme si la surenchère faisait loi. Je n’ai pas réussi à m’attacher à cette enfant, puis jeune fille et jeune femme ballottée par les événements. J’ai trouvé beaucoup plus attachants certains personnages secondaires. La particularité d’Eva Luna est de savoir inventer et raconter des histoires, avec une imagination débordante que l’auteur n’a rien à lui envier. Finalement, au milieu des rebondissements politiques et autres récits de la vie des uns et des autres, l’auteur nous livre à la toute fin du récit, une sorte de résumé de l’histoire tout en passant en revue les personnages :

« Mais la Télévision nationale ne laissa pas souffler les patients téléspectateurs, et enchaîna aussitôt sur la diffusion de mon propre feuilleton, que dans un élan sentimental, j’avais intitulé Boléro, en hommage à ces airs qui avaient bercé mon enfance et qui avaient servi de point de départ à un grand nombre de mes histoires. Le public fut interloqué par le premier épisode et ne parvient pas à s’en remettre au cours des suivants. Je crois bien que personne ne compris à quoi rimait cette histoire abracadabrante, les gens étaient habitués à ce qu’on leur servît de la jalousie, du dépit, de l’ambition ou pour le moins de la virginité, or rien de tout cela n’apparaissait sur le petit écran et ils s’endormaient chaque soir, l’esprit emberlificoté par un méli-mélo d’indiens empoisonnés, d’embaumeurs dans leurs chaises roulantes, de maîtres d’école pendus par leur propres élèves, de ministres déféquant sur des sièges de velours épiscopal, entre autres atrocités qui ne résistaient à aucune analyse logique et échappaient à toutes les lois connues du feuilleton commercial. »
Et là, je me suis reconnue dans le téléspectateur largué à l’esprit emberlificoté. J’ai repensé à ces pages entières relues faute de concentration, pleines à craquer de rebondissements, de sorte qu’on craint à un moment qu’ils nous sautent à la figure au détour d’une page. Bon, je ne trouve pas ça très agréable que l’auteur nous explique que si on a du mal à suivre ses élucubrations foisonnantes, c’est parce qu’on est conditionné pour du commercial. Je suis très susceptible.

Puis, à peine plus loin, elle décrit le processus créateur dans lequel j’imagine très bien l’auteur devant son texte se confondre avec Eva Luna :
« Je rédigeais chaque jour un nouvel épisode, totalement immergée dans le monde que je créais grâce au pouvoir universel des mots, devenue moi-même un être éparpillé, reproduite à l’infini, contemplant mon propre reflet dans de multiples miroirs, vivant des vies sans nombre, m’exprimant par une kyrielle de voix. »

Bon, j’en conclue que l’auteur se retrouve complètement dans son univers, qu’elle est tout le monde à la fois et qu’elle se sent hyper puissante. Mais on a aussi l’impression qu’elle se fiche éperdument que son lecteur suive. Ou passe un bon moment à sa lecture.
Personnellement je me suis accrochée par curiosité. Je crois que j’ai bien aimé, finalement. Mais il manque quand même une sacrée trame que la vie de l’héroïne ne suffit pas à former.

1 commentaire:

  1. Alors à te lire je me dis que je lirai plutôt un autre livre d'Isabel Allende, même si de toute évidence ce livre a des qualités !

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