octobre 06, 2010

Tôt

il est très tôt

il n’est pas encore bien réveillé, le monde non plus, qui ne fait pas de bruit

il sort sentir sa respiration nocturne, la rosée, la fraîcheur de la nuit qui s’enfuit sous les premières lueurs du jour

le monde crépite autour de lui

dans sa tête, ça crépite aussi un peu, il n’est pas habitué à se lever si tôt

il avance sur les pierres de la terrasse qui lui réveillent les pieds et marche jusqu’à l’herbe, froisse quelques brins encore mouillés, fouler le jardin, être le premier à marcher sur le gazon pour aujourd’hui, être le premier à voir le monde ce matin

il est seul, unique, et malgré l’engourdissement matinal, il se sent plus vivant que jamais

il hésite un instant à rentrer prendre ses chaussures, mais finalement avance, nu pieds, jusqu’au fond du jardin. Il escalade la petite barrière de bois, arrive dans le chemin de terre, essaie d’éviter les gros cailloux censés tenir la terre et les petits graviers qui s’impriment dans sa peau

Il a un peu mal aux pieds mais il s’en fout, il respire à fond l’odeur de mûres, de sous-bois et de terre et avance. Tout est encore humide, la nature craque, comme lui


Sur la plage aussi, le sable est lourd, trempé, vierge.

Il a mis les mains dans les poches de son pantalon, il commence à avoir froid.

la mer redescend gentiment après avoir pris entièrement possession de la plage, déposé quelques algues et déchets de bois, de plastique

Il ôte son tee-shirt en marchant et frissonne un peu

Rapidement il jette du bout du pied son pantalon sur le sable humide et avance vers elle

Sans ralentir, il entre, il a froid, mais n’hésite pas et se laisse glisser dans l’eau jusqu’aux épaules.

La mer le caresse doucement, le berce et l’accueille

il nage un peu, plonge dans son silence, ses bruits énigmatiques

ressort, la tête pressée par le froid

et recommence

il nage à grandes brasses sous l’eau et se replie sur lui-même, expire l’air à grosses bulles bruyantes

fait quelques roulades sur lui-même, sort la tête, reprend de l’air à fond et redescend

il a mal aux muscles à cause du froid et sa poitrine le brûle, à cause de l’air

quand il sort, il se sent vide et plein, réchauffé et glacé

il sait qui il est et ce qu’il fait là

il vit


2 commentaires:

  1. Anonyme2:29 PM

    Votre texte me touche beaucoup, il est "vivant" comme l'homme dont il parle... Je l'ai lu plusieurs fois en découvrant de nouveaux mots à chaque lecture, merci et bravo. Marie

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  2. Merci, cher Anonyme/Marie, cela me va droit au coeur.

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