il est très tôt
il n’est pas encore bien réveillé, le monde non plus, qui ne fait pas de bruit
il sort sentir sa respiration nocturne, la rosée, la fraîcheur de la nuit qui s’enfuit sous les premières lueurs du jour
le monde crépite autour de lui
dans sa tête, ça crépite aussi un peu, il n’est pas habitué à se lever si tôt
il avance sur les pierres de la terrasse qui lui réveillent les pieds et marche jusqu’à l’herbe, froisse quelques brins encore mouillés, fouler le jardin, être le premier à marcher sur le gazon pour aujourd’hui, être le premier à voir le monde ce matin
il est seul, unique, et malgré l’engourdissement matinal, il se sent plus vivant que jamais
il hésite un instant à rentrer prendre ses chaussures, mais finalement avance, nu pieds, jusqu’au fond du jardin. Il escalade la petite barrière de bois, arrive dans le chemin de terre, essaie d’éviter les gros cailloux censés tenir la terre et les petits graviers qui s’impriment dans sa peau
Il a un peu mal aux pieds mais il s’en fout, il respire à fond l’odeur de mûres, de sous-bois et de terre et avance. Tout est encore humide, la nature craque, comme lui
Sur la plage aussi, le sable est lourd, trempé, vierge.
Il a mis les mains dans les poches de son pantalon, il commence à avoir froid.
la mer redescend gentiment après avoir pris entièrement possession de la plage, déposé quelques algues et déchets de bois, de plastique
Il ôte son tee-shirt en marchant et frissonne un peu
Rapidement il jette du bout du pied son pantalon sur le sable humide et avance vers elle
Sans ralentir, il entre, il a froid, mais n’hésite pas et se laisse glisser dans l’eau jusqu’aux épaules.
La mer le caresse doucement, le berce et l’accueille
il nage un peu, plonge dans son silence, ses bruits énigmatiques
ressort, la tête pressée par le froid
et recommence
il nage à grandes brasses sous l’eau et se replie sur lui-même, expire l’air à grosses bulles bruyantes
fait quelques roulades sur lui-même, sort la tête, reprend de l’air à fond et redescend
il a mal aux muscles à cause du froid et sa poitrine le brûle, à cause de l’air
quand il sort, il se sent vide et plein, réchauffé et glacé
il sait qui il est et ce qu’il fait là
il vit
Votre texte me touche beaucoup, il est "vivant" comme l'homme dont il parle... Je l'ai lu plusieurs fois en découvrant de nouveaux mots à chaque lecture, merci et bravo. Marie
RépondreSupprimerMerci, cher Anonyme/Marie, cela me va droit au coeur.
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