juillet 10, 2009

La nostalgie des souvenirs

ça y est. J'ai reçu il y a deux jours le courrier des domaines qui va nous permettre de vendre la maison de Bretagne. Maison de vacances de notre enfance.

C'est un soulagement, bien sûr.
Cela fera quatre ans qu'elle n'est plus habitée et marine dans son jus. Nous n'avons pas les moyens de la racheter, surtout pour payer 55% de sa valeur en plus aux impôts...
Soulagement parce qu'elle est dans un état d'abandon depuis des années.

Déchirement terrible en même temps.

Le deuil des lieux de notre enfance est long, particulièrement quand les éléments matériels le font durer plus qu'il ne faudrait.

J'y suis attaché, à cet endroit. Mais de ces attachements qui nous retiennent à des choses qui n'existent plus. Je suis attachée à mes souvenirs.

Mon frère et moi y étions seuls avec notre grand-mère, les mois de juillet.
Nous prenions le train à la gare Montparnasse. Il était omnibus, mettait des heures. Nous passions par Laval, entre autres gares (lecture de droite à gauche et de gauche à droite), arrivions à Quimper, prenions un taxi.
Peu avant d'arriver enfin, nous retrouvions tous les symboles : la plage, immense et magnifique, le petit pont sur la mer, les rochers de granit énormes, les arbres poussés courbés à cause du vent, la maison de Suzanne, qui tenait autrefois un bar et nous offrait toujours des sucettes, la maison du docteur avec la grande ancre dans le jardin.
Et puis la maison. Inventaire. Nos arbres ont grandi, nos journaux sont toujours là. Le vieux lit en fer blanc est toujours caché derrière la maison. Le poteau en bois sert toujours de banc. Les voisins, le petit raccourci, la haie de troènes. Des milliers d'odeurs se bousculent, que je ne peux pas partager avec vous. Richesse immense de la mémoire olfactive qui m'envoie les parfums à mesure que remontent mes souvenirs.
Et les journées ! Nous faisions nos devoirs de vacances le matin, dans la cuisine, en écoutant son 33 tours d'Yves Duteil (si ça c'est pas de la torture !).
Je me rappelle très bien que ma grand-mère m'avait appris l'heure au cours d'une de ces séances studieuses. Ensuite nous allions acheter les espadrilles ("une taille en dessous, ça se détend beaucoup" : et on me demande pourquoi aujourd'hui j'exècre les espadrilles???), puis plus tard, des tongs, qui ruinent les pieds quand on fait du vélo.
Nous déjeunions, siestions, puis nous rendions à la plage, mais devions attendre pour ne pas risquer l'hydrocution.
C'est pas folichon, ce programme. Et les heures passées à bouquiner les Aggie, les pieds Nicklés et la comtesse de Ségur dans le jardin, ou les heures passées à organiser un énorme rocher dont nous connaissions les moindres trous et les moindres niches ("Ici le salon, ici la cuisine, là, le garage, avec la voiture). Les promenades, montée au phare, immense, un des plus grands, pélerinage au rocher du préfet, à la chapelle, ses vitraux... Sans compter la trottinette géante, les explorations dans la crèche, et la chasses aux fourmis, armée d'un pistolet de produit pour les vitres.
Vraiment.
Des journées peuplées de vide, de lenteur, et d'ennui, qui me laissent malgré tout nostalgique même si j'avoue que le bilan de nos activités me laisse perplexe, et me pousse à conclure qu'en effet, l'ennui n'est pas une mauvaise chose.

Aujourd'hui nous avons pris nos quartier dans un autre coin de la Bretagne, et j'espère que mes enfants auront eux aussi cet attachement qui me fait revandiquer mon nom, même si je ne suis pas une vraie de là-bas. J'espère qu'eux aussi auront ce goût pour le vent, la mer, et les promenades pieds nus sur les tapis d'herbe grasse des côtes.

Mon père nous racontait souvent comment mon grand-père avait acheté cette maison à la bougie. Ma grand-mère, surtout. Avant que la troisième bougie ne s'éteigne, elle a mis un grand coup de coude dans ses côtes pour le réveiller car il dormait. ça me semble incroyable d'ailleurs de dormir pendant une vente à la bougie.
Nous allons la vendre. A la bougie peut-être ?
J'espère qu'elle aura la chance de tomber sur un propriétaire qui aura à coeur d'en prendre soin, et qui en profitera bien.

3 commentaires:

  1. Anonyme12:01 PM

    Ma maman parle de vendre la maison aussi, en Bretagne...
    Cell où je vivais jusqu'à il y a six mois, avec des absences (pendant mes études notamment).
    Je m'y suis construite...j'aurais mal si elle la vendait et je crois que ma soeur accepterait mal également...Même mon beau frère qui évolue pendant ses vacs dans cette grande fermette rénovée...

    Mon neveu et ma nièce y construisent leurs souvenirs..
    On y vient tous quand on a besoin de reposer, de se rassurer, quand nos peines sont trop lourdes...rien que la vue de cette maison me fait du bien...

    Je te souhaite du courage pour ce deuil...

    Amitiés.

    RépondreSupprimer
  2. Comme ils sont joliment racontés tes souvenirs d'enfance...
    Comme on y lit au travers des visages halés, des joues rougies, des tartines de confiture et beurre salé, des genoux égratignés, des cheveux emmêlés, des arrivées le coeur battant, des départs le coeur lourd.
    Comme c'est beau, lourd, doux, et triste, et bon, les souvenirs des jours heureux de l'enfance...
    Ca me fait penser à une de mes chansons favorite, celle là même: The summerhouse, de divine comedy , http://www.youtube.com/watch?v=n7xnfcpYRnE , le son est tout pourri, mais j'ai pas trouvé mieux...
    By the way, j'arrive chez toi de par chez Le chat ;-)

    RépondreSupprimer
  3. MoO : Ta maman en parle ? Mais et vous ? Elle vous en pensez quoi ? Dans notre cas, la situation décide un peu à notre place, et nous nous accomodons du résultat. Mais je suis plus attachée à mes souvenirs qu'à cette maison, en fait.

    Audrey : merci, et bienvenue. Oui, c'est souvent le coeur gros que j'exume mes souvenirs, la faute à une solide nostalgie !

    RépondreSupprimer