"C'est quoi ton dream job ?" m'a-t-on demandé récemment et sérieusement.
(Sauf que moi j'ai pouffé, j'ai cru que c'était une joke, le coup du dream job, parce que bon, ça fait quelque jours que je sais qu'il y a un homme dans Casimir (sauf que peut-être, c'est une femme), donc moi quand on me demande "C'est quoi ton dream job ?", c'est un peu comme si on me demandait ce que je voudrai faire quand je serai grande. Dans trois ans. Deux ans et demi et un mois et dix jours, pour être exacte.)
Comme je ne peux pas souffler bruyamment pour signifier au drôle que sa question me désempare, je souris et je répète d'un air profond "mon dream job..." en levant les yeux au ciel et en plissant les paupières, pour voir si le plafond m'offrirait une révélation - on ne se tourne jamais assez vers les plafonds -, en espérant que ça me donne l'air rêveur de la fille qui a tellement de dream job qu'elle ne sait plus lequel choisir tant elle déborde d'envies et d'imagination.
C'est embarrassant ce genre de question. ça m'a rappelé ce dîner où l'ami de mon mari m'a demandé "Et alors ? Tu es heureuse dans la vie ?".
Je lui demande, moi, s'il a trouvé le sens de la sienne ? Peut-on se contenter de parler du contenu de nos assiettes, comme tout bon français à table, plutôt que d'aborder les questions existentielles dès l'apéro (qui, soit dit en passant, devait plutôt lui tenir lieu de digeo).
En plus, c'est pas comme si je venais demander du boulot, hein, le gars me demande cash "C'est quoi ton dream job ," un peu comme si son job à lui, dans la vie, c'était père Noël (alors que bon, si ça se trouve, c'est une femme, lui aussi) (le père Noël, je veux dire).

Vous me voyez expliquer à cet homme, employeur potentiel, que le job de mes rêves c'est de rêver et de raconter des histoires ?!
Que là je suis tellement fatiguée, que le job de mes rêves, c'est gardien de phare ?!
Que dans la vraie vie, moi, je suis une sirène ?!
(On a le droit de rêver ou pas alors ? Non, faudrait se décider, à un moment, quand même).
J'aurais dû lui répondre. J'aurais pu lui dire la presque vérité, un dream job que j'ai presque envie de faire, comme os à ronger, quoi.
Dessinateur judiciaire. Croquer les personnes en salle d'audience, en deux coups de crayon, en trois coups de pinceaux. En plus je suis certaine que ça pourrait m'être utile pour mon dream job.
Parce que oui, j'en ai un, de dream job, mais comme son nom l'indique, c'est un dream.
C'est aussi un job. Mais c'est plus un dream pour le commun des mortels et un job pour quelques élus. Et personne ne peut me l'offrir comme ça sur un plateau. Et je n'ai aucune envie de passer pour la fille qui rêve puisque, comme je disais donc, je suis redescendue du village dans les nuages il y a quelques mois, je suis donc parfaitement consciente du fait que ça n'arrivera pas. Même pas sur un malentendu.
Et non, mon dream job n'est pas d'habiter dans Casimir pour passer mes journées à bâfrer et à pioncer. Quoique.
Non, définitivement, moi, mon dream job, c'est sirène.