février 02, 2012

L'essentiel est invisible pour les yeux


Le Petit Prince est-il encore lui-même sans la douceur délicate des aquarelles de St. Exupery, qui suggérait si bien son ingénuité ?



Gonflé de 3D, assujetti aux critères graphiques de notre époque, ce petit prince 2000 a-t-il quelque lien de parenté avec ce conte intemporel, qui avait tout pour passer à la postérité sans qu'il soit besoin de lui réinventer des aventures spatiales. Dans lesquelles, qui plus est, on lit des absurdités aussi édifiantes que le petit prince déclarant "Encore un coup du serpent".
Bon. Je pense qu'il y a un marché pour "le profil d'une oeuvre"...



Idem pour Tintin. Le prétexte de l'animation 3D n'atteindra pas pour cette fois la légende de cette BD qui fut longtemps la référence en matière de 9e art. Les années 50, le charme délicieusement rétro des dessins et de l'atmosphère, sont-ils compatibles avec la mise en animation ? Que dire des films qui n'ont jamais atteint l'esprit de la bande dessinée... 



Foutons la paix à ces personnages, dont le message dit si bien leur époque et sachons imaginer les nôtres. Encore faut-il avoir quelque chose à dire de notre époque, dont les prouesses en animation ont vite pris le pas sur le propos. Il suffit de compter les super productions dont on voudrait croire que les moyens graphiques suffiront à pallier le manque de finesse de la construction et l'absence de message de fond. Il suffit de voir la pauvreté du message d'Arthur et les minimoys, l'inefficacite des dialogues et la lourdeur de mise en place d'un scénario dont le manque de crédibilité crie si fort qu'il en extermine toute possibilité de magie. Luc Besson a du talent et j'aime beaucoup son travail, mais reconnaissons qu'il aurait pu tellement mieux faire. 


Les enfants ne demandent qu'à rêver, mais c'est aux adultes qu 'il revient de créer dans cette industrie et je suis désolée de constater qu'aujourd'hui on recourt trop souvent aux classiques d'hier sans prendre la peine de conserver ce qui en faisait l'essence, pervertissant ainsi leur personnalité propre et trahissant à la fois leurs auteurs et leurs admirateurs. (Que font les ayants-droits ?! Ils exploitent et "font vivre" l'oeuvre de l'auteur. Je vous laisse apprécier). 








On ne me fera pas croire qu'il n'est pas aujourd'hui d'auteurs de la trempe de St. Ex ou Hergé. En revanche je pense que les producteurs refusent de prendre des risques. Heureusement que Miyazaki nous sauve la mise et nous emporte sans hésitation dans son univers où le quotidien côtoie si bien la féerie et les démons de sa culture. En voilà un qui n'a pas oublié la puissance imaginative d'un enfant et qui n'a pas eu besoin de la 3D pour imposer ses films en salle. Je n'ai rien contre la 3D, bien que je la trouve loin d 'être aussi impressionnante que les films que je voyais enfant à Géode. Mais je ne la trouve pas toujours utile.


Ne ressuscitons pas le petit prince sous couvert de modernisme. Pour moi, c'est une démarche inverse que cela connote, celle de personnes qui placent devant toute chose le profit nécessaire et qui voudraient croire qu'elles peuvent impunément remodeler des oeuvres et leurs personnages parce qu'elles détiennent une magie technologique. Il y a erreur, puisque bien entendu la technologie ne fait pas le talent, on le saurait, depuis le temps.
Mais il semblerait que l'on préfère prendre les spectateurs pour des oies. Le pire ? C'est que les entrées en salle leur rendent raison. Sur un malentendu...



6 commentaires:

  1. le petit prince de saint-ex, on pouvait y reconnaître n'importe quel gamin même s'il n'était pas blond au yeux bleus... on pouvait y reconnaître une fille, tellement le graphisme est simple, les expressions à peine esquissées... je m'y suis identifiée sans problème, à chaque lecture pourtant à des âges différents.
    Trop de réalisme, ça impressionne mais est-ce que ça permet de s'approprier une oeuvre, un texte? le débat est ouvert ;)
    Dans cette perspective, je reste, de très loin, fan de la "première trilogie starwars" où pourtant on voyait bien le carton-pâte, les fils de pêche et les ajouts en caoutchouc et l'acrylique du costume de Chewbaca.
    Je préfère sans comparaison Miyazaki à Avatar.
    La technique est un moyen, un outil, elle ne suffit pas à "faire oeuvre" si le scénario est inconsistant, si les personnages ne sont pas approfondis.
    C'est ça qui fait la qualité de miyazaki, de la première trilogie, de Toy Story... chaque technique agit en synergie avec l'autre. La valeur du "groupe" est supérieure à la somme de la valeur de chacun de ses constituants.

    Pour les entrées cinoche... je me demande quelle est la part des gens qui vont aux séances parce qu'ils ont un abonnement et qu'il faut bien le rentabiliser même si c'est pour aller voir des choses qu'on ne serait pas allés voir sans cette fichue carte d'abonnement...
    J'ai une autre philosophie: peu mais bien. n'aller voir que des films qui me font très envie (qu'ils me plaisent ou non, c'est une autre affaire).
    Mais aller voir pour aller voir... je ne m'y fais pas... ça manque de désir, ça ressemble trop à de la consommation...
    Le nombre d'entrées est-il réellement un indicateur de la satisfaction des spectateurs? J'en doute si je prête l'oreille à ce que disent les gens très "consommateurs" de films de mon entourage.
    De mon point de vue, la durée est plus représentative de cette satisfaction; de nos jours, les films ne restent pas longtemps à l'affiche.

    Et pour finir: des biz et du love! ^^*

    RépondreSupprimer
  2. Anonyme4:25 PM

    Je suis une aficionados des films d'animation, si on sort des sentiers battus, il reste beaucoup de pépites en dehors deMiyazaki : N'oublions pas Sylvain Chomet avec "La Vieille Dame et les Pigeons " puis "les triplettes de Belleville" une nomination aux oscars dans deux catégories (Meilleur film d'animation et Meilleure chanson originale) et son dernier "l'illusionisme" basé sur un script inachevé de Jacques Tati et Henri Marquet
    il y a aussi Princes et Princesses de Michel Ocelot en ombre chinoise un monde de rêve et d'histoire, et Kirikou qu’il a aussi crée
    La prophétie des grenouilles de Jacques-Rémy Girerd
    Le très poëtique « U » réalisé par Serge Elissalde et Grégoire Solotareff
    Et sortie dernièrement « le tableau » réalisé par Jean-François Laguionie
    J'en oublie, le nombre d'entrée n'est pas un signe de qualité, gardons les yeux et les oreilles ouvertes

    RépondreSupprimer
  3. Rachel Oo : la technique aujourd'hui ne sert plus qu'elle-même, c'est le problème, et la 3D est le dernier prétexte à faire du "géant" avec du "moyen".
    Oui les bouts de ficelle sont touchants, et la simplicité touchante n'est pas la mièvrerie, loin s'en faut. Le cinéma traite mal les enfants en leur en mettant plein les yeux sans chercher donner également à la tête et au coeur.
    Merci, bises et love à toi aussi !

    Chère Anonyme : U est un de mes meilleurs souvenirs de film, avec Princes et princesses et La prophétie, en effet. Mais dire qu'ils ont été peu et mal distribués serait peu dire. Porter un projet tel que Un monstre à Paris aujourd'hui sans M et Vanessa Paradis, c'est se condamner aux salles d'art et d'essai pour une présence à l'affiche de 15 jours.
    L'illusionniste a été mieux distribué, il était porté par le nom de Tati.
    Mais tous ces films ont un univers et une épaisseur qui sont infiniment plus intéressants.
    Je ne me suis pas lancée dans l'énumération des chefs d'oeuvre d'Ocelot, du travail sur la couleur, la culture et la tolérance qu'il propose dans Azur et Asmar, mais je repensais aux Stroumpfs, sortis cet été. Et je me demande, à aussi, quel intérêt ?
    Bien sûr, se distraire, avant tout, mais concernant les enfants, il me semble urgent de cultiver leur sens critique, sous peine de se traîner encore du TF1 pendant des millénaires.
    Et je ne me sens pas super positive, sur ce coup-là.
    Gardons les yeux et les oreilles ouverts, comme tu dis.

    RépondreSupprimer
  4. 1000 fois d'accord.....Dans la série, il y a aussi Le Petit Nicolas en dessin animé qui passe à la trappe toute la poésie et le charme des dessins de Sempé !

    RépondreSupprimer
  5. Alors là je suis entièrement d'accord avec ton propos. Et l'exploitation actuelle du petit prince est non seulement une trahison de ce livre si précieux, mais une trahison honteuse, à côté du sujet, sans aucune fidélité sinon à la lettre, du moins à l'esprit de st exupéry.

    RépondreSupprimer
  6. Miss Zen : ohlala, oui, que je suis contente de ne pas avoir la télé, je ne veux pas voir ça (retour de la stratégie de l'autruche...)

    Gaëlle : Exactement. J'en viens à souhaiter que le spectre d'Antoine de St Exupéry vienne hanter les auteurs...

    RépondreSupprimer